Le bistrot, âme et cœur battant du village

Évelyne et Beñat Saint-Pierre jonglent, tous les jours, entre épicerie, bar, tabac et même double de clés. PHOTO JEAN-DANIEL CHOPIN

Chez Beñat, les habitués défilent. Les patrons, Évelyne et Beñat, rêvent plutôt de retraite.

Le mois de novembre a été dur. « Évelyne et Beñat étaient en congés, alors sans le bar, dans le quartier, c’est mort. » Les habitués du bar-tabac, presse et épicerie d’Itxassou, en face de la mairie, y tiennent à leur café. « On est là tous les matins, depuis qu’on est à la retraite, soit depuis quinze ans pour moi. Ça fait quelques litres de café qu’on boit ici », rigole Alain, fidèle parmi les fidèles. Avec Andde, Beñat et Tony, ils sont là tous les matins, à 9 h 30, au comptoir du café que tout le monde appelle « Chez Beñat ». Ils prennent la relève des ouvriers, les plus matinaux, et cèdent ensuite leur place aux habitués de l’apéro et amateurs de petit blanc, autour du long comptoir imitation marbre. Dans la salle carrelée, quelques tables et une télévision, « pour les matchs du week-end ». Au fond, l’épicerie de 150 mètres carrés, qui voit défiler les voisins du quartier. Le samedi matin, c’est huîtres et vin blanc. « Faut pas se laisser abattre », s’exclame Évelyne Saint-Pierre. Au four et au moulin, de l’autre côté du comptoir, mari et femme connaissent leur monde. « Un serré pour l’un, un allongé, une noisette », énumère la patronne, en les faisant glisser sur le comptoir. Mari et femme sont là, fidèles au poste comme tous les matins depuis plus de vingt ans. « On a ouvert en été 1998, au moment de la Coupe du monde, et je me souviens m’être dit dans ma tête que je laisserai l’affaire quand la France sera de nouveau championne du monde », sourit Beñat, plutôt foot que rugby. Visionnaire, l’Itsasuar du quartier Saint-Pierre, au pied de l’Artzamendi, « descendu de sa montagne » comme il aime le dire, espère fêter ses 60 ans sur le Chemin de Compostelle, avec son sac à dos, plutôt que derrière sa tireuse.

Un coup de pouce

« On est là tous les jours, et on fait de tout : alimentation, tabac, presse, dépôt de pain et même doubles de clés, parce qu’à la campagne il faut tout faire », raconte le gérant, dont le café est en vente depuis maintenant un an, sans succès. Mais depuis quinze jours, à l’écouter, les choses semblent bouger pour le couple Saint-Pierre. « Un jour, je ne savais pas quoi faire, donc je suis allé sur le site SOS Villages [l’émission de TFI, animée par Jean-Pierre Pernaut, qui aide à la relance des commerces en zone rurale, NDLR] et j’ai déposé une annonce. Et depuis, on a eu une dizaine d’appels, certains du nord ou de l’est de la France », s’étonne Beñat. Qui aurait tout de même une petite préférence pour un « jeune du coin », s’il était candidat. 11 heures. Vient le tour des « apéritiphiles ». Un whisky double pour cet habitué, qui a son coin, au bout du bar. Pour les autres, c’est plutôt verre de blanc, servi à ras bord, ou demi. « La relève est là, je peux partir ! », lance Tony. Le « Sud Ouest » change de main. Ici, c’est pratique, pas besoin de payer pour le lire. La relève, c’est aussi ce qu’espèrent Évelyne et Beñat, qui se disent prêts à accompagner le démarrage. « Quand on a repris, il y a vingt ans, on a acheté le fonds de commerce mais pas les murs, on ne pouvait pas. La mairie nous a alors accordé un loyer pendant cinq ans, qu’elle a déduit du prix de vente et quand on a pu, on a acheté les murs. Donc, bien sûr, qu’on est prêts à aider celui ou celle qui remplacera ! » Que demander de plus ?

Carole Suhas
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