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Mondarrain : les trois cadavres de vaches retrouvés font jaser.

Sur le chemin des Trois Croix, un cadavre de pottok et des restes de trois vaches, dont une n’est pas de race betizu. © Crédit photo : DR

Les restes de trois bovidés retrouvés sur le Mondarrain signent-ils le braconnage de betizu, la race locale ? C’est ce qu’a suggéré la municipalité d’Espelette. Ce n’est pas certain. Le flou règne.

La semaine dernière, un graffiti est apparu sur un mur du marché couvert d’Espelette. En lettres vertes : « Aupa betisoak ! » (1). L’acte de vandalisme pictural se réfère aux trois vaches retrouvées mortes récemment sur le Mondarrain. L’affaire bruisse de questions en suspens.

Des inscriptions ont été taguées sur un mur du marché couvert d’Espelette, en référence aux trois vaches retrouvées mortes sur le Mondarrain. Signe que l’épisode a marqué localement.  © Crédit photo : DR

Les trois infortunés bovins sont-ils bien des betizu ? Qui a dézingué les bestioles ? Dans quel but ? Un flou propice aux conjectures enrobe le forfait. Cela sur fond de crispations autour de la race sauvage locale, patrimoine vivant que certains préféreraient mort.

La municipalité d’Espelette a formulé une première version de l’histoire. Celle de trois betizu sauvages tuées dans le massif, dépecées par quelques Tartarins du Mondarrain. Avant d’abandonner têtes, pattes et peaux sur un chemin du col des Trois Croix. « On ne sait pas trop s’il faut le prendre comme une provocation », glissait à « Sud Ouest » Michel Ezcurra, adjoint à l’agriculture d’Espelette.

 

La piste Blondes

Bravade de braconniers ou non, il semble que la macabre découverte ne concerne peut-être pas trois betizu. Peut-être deux, sans certitude. Pour ce témoin (2) direct, bon connaisseur du coin, point de ruminant endémique sur la scène du crime. « Je me promenais, j’ai vu les restes. Pour moi, ce n’était pas des betizu. » Et de produire une photo pour preuve de sa théorie.

C’est bien l’endroit. Un cadavre de pottok y voisine avec les piteux reliefs de trois vaches. L’une d’elles a la tête brune d’une Salers ou quelques cousines de pelage foncé : éliminée. Les deux autres pourraient bien être des betizu. « Pour moi, ce n’est pas le cas. Les betizu ont une couleur plus rouge, plus fauve. Celles-là ressemblent plus à des Blondes d’Aquitaine. »

Difficile à dire, même pour un œil expert. Deux envoyées du Conservatoire des races de Nouvelle-Aquitaine sont moins catégoriques. « Les conservatrices se sont rendues sur le terrain et elles partent sur un constat d’une, voire deux betizu », indique le conseiller régional Andde Sainte-Marie.

 

« Omerta »

L’élu, délégué à la montagne et au pastoralisme, s’intéresse à l’épisode du Mondarrain. « Nous sommes dans la logique de préservation des races et de la biodiversité qui est celle de la Région. » Il ne cache pas un certain agacement, trouve « étonnant le traitement fait par les pouvoirs publics et les élus d’Espelette ».

Ces derniers ont publiquement dénoncé un braconnage de betizu, sans pour autant porter plainte. « Cela aurait pourtant été faire preuve de responsabilité. Et une plainte, donc une enquête, était le seul moyen d’avoir des certitudes sur ce qui s’est passé. » Andde Sainte-Marie n’hésite pas à parler d’« omerta ».

Le conseiller régional sait que « tout le monde ne tolère pas la présence des betizu en montagne ». « Elles mettent les clôtures par terre, entrent sur des propriétés, ça agace », confirme l’auteur de la photo.

Le braconnage existe. Parfois pour le simple plaisir de bombances clandestines. « Mais ça devient compliqué, il y a du monde en montagne. » Lui ne croit pas à la théorie d’un dépeçage in situ.

 

« Aux vautours »

En l’occurrence, il miserait sur un scénario plus basique, à l’ancienne : « On a toujours tué à la ferme, comme pour le cochon. Aujourd’hui, c’est interdit, mais ça se pratique encore. C’est la tradition. Ce n’est pas forcément le fait d’éleveurs, d’ailleurs. Ça peut être quelqu’un qui achète une vache ou un veau, se le tue et se le prépare. Après, on balance les restes aux vautours. Ceux-là n’ont pas été très discrets. »

Pourquoi les élus locaux ont-ils parlé de trois betizu et de braconnage ? Au moment d’écrire ces lignes, nous n’étions pas parvenus à joindre Michel Ezcurra.

Pour notre observateur, vrai ou faux, « c’est peut-être un mal pour un bien ». « Les braconniers ne sont pas nombreux. C’est sans doute une façon de leur mettre la pression. »

En l’absence d’enquête, chacun restera avec ses convictions.

 (1) Soutien aux betizu.
 (2) Il préfère garder l’anonymat.

 

Pierre Penin
sudouest.fr