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Baptiste Ducassou : « J’ai décidé de me prendre en main »

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L’Itsasuar Baptiste Ducassou, ici dans son fief labourdin, se sent « beaucoup plus serein » depuis quelques mois. © Crédit photo : Émilie Drouinaud

La vie sans Pampi Laduche, le recours à une préparatrice mentale, le record de Waltary et Martiarena : alors que s’ouvre la phase finale du championnat de France de main nue individuelle, Baptiste Ducassou se confie

Vous sortez d’une 6e victoire lors du Super Prestige de Saint-Jean-Pied-de-Port, la première sans votre mentor Pampi Laduche, décédé juste avant le début de l’épreuve. Comment l’avez-vous vécue ?

Ce titre a une saveur spéciale. Je ne savais pas trop comment j’allais aborder la compétition, surtout sur le plan émotionnel. Physiquement et techniquement, je me sentais en confiance. J’avais commencé à la préparer un peu seul, de mon côté. Ces six derniers mois, on passait moins de temps avec Pampi sur la kantxa. Il était malade, donc pas forcément disponible et avec l’énergie nécessaire pour venir. Mais je pouvais toujours l’appeler pour des conseils. Je me suis concentré sur mon jeu et ça a bien fonctionné. Il était quand même un peu là, dans le sens où je m’imaginais ce qu’il me dirait à certains moments. On se connaît bien, quand on fait une bêtise, qu’on a des choses à rectifier, on sait ce qu’on a à faire. Mais ça fait du bien de se l’entendre dire par une personne extérieure. Je simulais sa voix et je me disais : « Tiens, là, il m’aurait dit ça, ressaisis-toi, repars sur ça. »

À 30 ans, vous apprenait-il encore des choses ?

Il m’en apprenait moins, forcément. Au bout de dix ans (NDLR : de collaboration), les choses se répètent. Mais dans les sports individuels, ce n’est pas toujours le calme plat. On est parfois dans des moments d’apothéose, où on a l’impression de marcher sur l’eau, que rien ne peut nous arrêter. À d’autres moments, on perd confiance, on balbutie notre jeu. Pampi était un repère, un appui. Je pouvais aller le voir, on discutait, il me parlait de son expérience, de la façon dont il pensait que je devais appréhender les choses. Maintenant, il va falloir que je fasse sans. Ça va me faire grandir, je vais être obligé de voler de mes propres ailes. Il m’a donné suffisamment d’armes pour. Peut-être que ça va faire de moi un joueur nouveau, avec une autre façon d’aborder les événements et les petits pépins qui peuvent se présenter. Je n’ai pas encore envisagé de trouver quelqu’un qui prendrait sa place.

Que vous a-t-il apporté de plus important ?

Techniquement, il m’a fait un peu changer ma façon de frapper. Comme un golfeur qui change de chip ou de swing. Il m’a fait monter un peu plus haut l’épaule, donner plus de lift à la pelote, de sorte qu’elle ait un effet rentrant vers le filet. Ça m’a énormément apporté dans mon jeu de tête à tête. Il y a aussi les pansements. Avant, je jouais avec des tacos plutôt fins, j’aimais beaucoup avoir du toucher. Sauf que ça expose à plus de blessures. Il m’a fait jouer avec des pansements plus gros en me persuadant que je m’y adapterais, même si ça changerait des choses au niveau des sensations. Aujourd’hui, je suis incapable de jouer avec les tacos d’avant. Et je me blesse beaucoup moins.

Il est parti alors que vous semblez au sommet de votre carrière. Le vivez-vous aussi ainsi ?

C’est vrai que je me sens très bien en ce moment. Est-ce que c’est le sommet de ma carrière ? Je ne sais pas. Les résultats en deux à deux n’ont pas été exceptionnels en 2021, même s’ils dépendent de beaucoup de choses, des confrontations, des compositions d’équipes, dans lesquelles on n’est pas partie prenante. Mais c’est sûr qu’en tête à tête, ça fait un ou deux ans que je me sens vraiment bien, en confiance, physiquement assez fort, mentalement avec plus de calme, plus de ressources. Oui, je suis peut-être au sommet de ma carrière. Si c’est le cas, j’espère que ça va durer (rires)

Qu’est-ce qui vous fait rêver désormais ? Rejoindre Manu Martiarena et Agusti Waltary dans le gotha des pilotari à avoir remporté six titres de champion de France en tête à tête (il en est à cinq) ?

Ça, ce n’est pas un moteur. Ce sont bien sûr des jalons que j’ai dans un coin de ma tête. Beaucoup de gens m’en parlent, je ne peux pas ne pas y penser et c’est une source de motivation quand même. Mais je ne fonctionne pas trop comme ça, avec un objectif précis pour me booster. Mon objectif global dans l’année, c’est d’être performant en tête à tête, une discipline que j’adore. J’aime me sentir bien et fort dans cette période de l’année et je me dis que si c’est le cas, il n’y a pas de raisons que ça ne fonctionne pas. Et si ça ne fonctionne pas, c’est que l’autre sera plus fort que moi et il n’y a pas de regret. Donc ce record, ce n’est pas ce qui me fait lever. En revanche, j’ai une âme de compétiteur depuis toujours, c’est valable que je sois en blanc, à l’entraînement ou dans des jeux. C’est ça qui me fait avancer, le besoin de me confronter aux autres et de marquer mon territoire.

Quels sont vos principaux adversaires sur la route de ce 6e titre ?

Il y a trois adversaires au-dessus de la mêlée. On se partage les titres entre nous depuis quelques années. Peio Larralde, évidemment. Mathieu Ospital : il a montré un super niveau de jeu tout au long du Super Prestige. Et Luis Sanchez, qui fait figure d’épouvantail. Lui, il sort des cadres. Il a des aptitudes physiques et de vitesse de pelote hors du commun. Il est jeune, il va progresser encore. Quand on parle de source de motivation, voir un jeune comme ça qui arrive et qui est fort, ça me donne envie de rester au plus haut niveau et de m’y confronter. C’est ce genre de défi qui m’anime (NDLR : Luis Sanchez est finalement forfait pour un problème au doigt).

 « Il ne faut surtout pas dénigrer les adversaires. Mais ce qui est vrai, c’est que je peux être mon propre adversaire de temps en temps »

Vous avez remporté le Super Prestige en prenant l’ascendant physique sur la fin. L’endurance est-elle devenue votre point fort ?

La condition physique, on l’a tous. On est tous prêts à faire des longs rallyes, des échanges. Si on faisait des séries de 400 m, je ne serais peut-être pas le meilleur. Mon gabarit ne me le permet pas. Mais là où je suis avantagé - et je le travaille beaucoup - c’est la résistance. Dans ma capacité à taper fort et à me déplacer longtemps. Je n’ai pas trop de baisses de régime. Comparé à Sanchez ou Larralde, je suis un moteur diesel. Eux sont capables, sur dix points, d’être beaucoup plus performants, plus explosifs, d’aller sur des niveaux de cardio que je ne peux pas atteindre. En revanche, je suis capable de durer longtemps, de 0 à 40 points. Souvent à partir de 25, là où les autres baissent, j’arrive à garder le même rythme et c’est ça que j’essaie d’entretenir.

Il y a aussi le but, dont vous avez fait une arme redoutable.

Avant, il y avait beaucoup moins de bons buteurs. Souvent, les arrières (dont il fait partie) étaient plus performants que les avants en tête à tête, de par notre capacité physique à durer longtemps. Le jeu a un peu changé. Les avants ont été capables, notamment Peio Larralde – Waltary aussi, mais lui, c’était un phénomène, c’était un peu différent – d’écourter l’échange en butant très bien et en allant chercher le point rapidement. Il a gagné des titres comme ça, en perturbant le jeu. Et moi, je me suis rendu compte que si je voulais être bon longtemps, il fallait que je sois très performant au but. Je le travaille tout le temps. Avant, j’étais plus puissant, je me basais plus sur l’impact. Avec l’âge, on perd un peu d’intensité de frappe. En revanche, je suis plus précis et davantage dans la variation, pour perturber mon adversaire. Cette année, ça a l’air de bien fonctionner.

Le principal adversaire de Baptiste Ducassou, n’est-ce pas Baptiste Ducassou lui-même ?

Il ne faut surtout pas dénigrer les adversaires. J’ai une culture de mon sport : quatre joueurs de ce niveau-là en même temps, je ne suis pas sûr qu’il y en ait eu beaucoup. Ils sont très forts. Mais ce qui est vrai, c’est que je peux être mon propre adversaire de temps en temps. Jusqu’à présent, ça pouvait m’arriver de sortir des parties, de m’agacer assez facilement. J’y travaille beaucoup, notamment depuis 2021. L’année dernière, à peu près à cette période, j’avais eu un passage à vide de confiance. J’ai décidé de me prendre en main, de voir quelqu’un, une sophrologue. La préparation mentale se démocratise chez les sportifs. Avant, ça pouvait être considéré comme une faiblesse, alors que ça peut être une force. J’ai décidé de l’envisager comme ça et cette fin d’année, je me trouve beaucoup plus serein, moins perturbé par des erreurs ou des faits de jeu.

« En deux à deux, on ne gagne pas seul. J’ai envie d’être un coéquipier meilleur, plus appréciable et apprécié de mes avants. »

Vous n’avez jamais remporté le championnat par équipes, est-ce un objectif d’ici la fin de votre carrière ?

Totalement. C’est quelque chose qui me tient à coeur. Je me dis que si ça doit arriver, ça viendra. Je ne me mets pas trop de pression par rapport à ça. J’ai montré en tête à tête que j’étais un pilotari de bon niveau, je pense aussi être un bon joueur de deux à deux à l’arrière. C’est vrai que pour le moment, ça ne m’a pas souri, j’ai eu des occasions, j’ai fait quatre ou cinq finales, je les ai toujours perdues. J’espère que j’aurai ce titre un jour, ça montre qu’on est très complet.

Agusti Waltary a dit il y a quelques mois qu’il était difficile de jouer avec vous. Comment l’avez-vous pris ?

Je ne l’ai pas pris mal. Avec Waltary, on se pratique, on s’est longtemps entraîné ensemble, je sais qu’il aime bien la punchline. Là, il avait envoyé un peu. On s’en est expliqué, ça a été très bien. Dans ce qu’il dit, il y a un fond de vérité. Je connais mes défauts. Je suis très très perfectionniste, d’une exigence folle avec moi-même d’abord, et au final avec mes coéquipiers. Ça m’a porté défaut. Dans le deux à deux, il faut savoir comprendre la psychologie de son coéquipier pour en tirer le meilleur. De temps en temps, notamment dans les moments de pression où on perd notre lucidité, je reviens à mon exigence, je veux l’imposer à l’autre et ça ne marche pas. J’en ai pris conscience depuis deux ou trois ans. Quand on est jeune, on du mal à comprendre tout ça. Je le digère mieux. Maintenant, il faut que je sois meilleur dans la psychologie pendant la partie et ça, c’est encore autre chose. Le niveau d’émotion et d’adrénaline est tellement élevé au milieu du jeu que ce n’est pas toujours simple de se contrôler. Mais ça fait partie des choses que je dois travailler si je veux un jour remporter ce championnat. En deux à deux, on ne gagne pas seul. Et puis, même si je connais mes défauts, ça ne fait jamais plaisir à entendre. J’ai envie d’être un coéquipier meilleur, plus appréciable et apprécié de mes avants.

Pierre Mailharin
sudouest.fr