« C’est notre alimentation »
Antoine Chépy est l’ancien cuisinier de la ferme Haraneko Borda et précédemment du Ziaboga à Socoa. PHOTO JEAN-DANIEL CHOPIN
LURRAMA Antoine Chépy participe au salon de l’agriculture paysanne, du 8 au 10 novembre à Biarritz. Il offrira sa vision du métier de cuisinier
«La cuisine, un métier à réinventer».
C’est le thème d’une table ronde organisée ce vendredi, à partir de 9 h 30, en ouverture de Lurrama (1), le salon de l’agriculture paysanne au Pays basque qui se déroule jusqu’à dimanche soir à la Halle d’Iraty, à Biarritz. Ceux qui connaissent le cuisinier Antoine Chépy l’imaginent bouillir d’impatience au fond de sa cuisine à l’idée de débattre autour du sujet. « L’objectif est de poser des constats. Nous allons le faire devant de futurs cuisiniers, pas devant des “chefs”. Nous nous adressons aux cuisiniers dans le sens “celui qui cuit l’aliment, qui le rend mangeable” », plante Antoine Chépy. Le « nous » inclut Xavier Hamon, un ancien restaurateur quimpérois, président de l’Alliance Slow Food des cuisiniers en France.
La discussion s’articulera autour du manifeste, publié en septembre dernier, par ce réseau culinaro- écologiste. Une vingtaine de personnes de tous horizons ont planché dessus. Dans cette charte, il est question de « redonner du sens au métier de cuisinier », « faire vivre un territoire », mais aussi de « limiter l’effondrement progressif des écosystèmes et la crise climatique ».
« On tente des choses »
« En gros, on cherche des réponses pour notre alimentation de demain, commente le restaurateur d’origine champenoise. On n’a pas forcément de solution. On ne construit pas une église, il n’y a pas de paradis, mais on tente des choses. » L’ancien cuisinier de la ferme Haraneko Borda, à Itxassou, évoque une question de « dignité ». « Notre alimentation nous appartient, martèle-t-il. On ne peut pas se résoudre au constat que l’agroindustrie a la main sur tout ce que nous mangeons. » Les deux cuisiniers-militants poseront aussi un autre constat, celui de la restauration aujourd’hui. Antoine Chépy dénonce, pêle-mêle, la malbouffe, certaines pratiques dispendieuses de la haute gastronomie ou encore la souffrance au travail. « C’est un sujet douloureux mais très important. » Il insiste. « Le temps est peut-être venu de réfléchir à de nouveaux modes de gouvernance… »
Restaurant associatif
La question le taraude depuis une dizaine d’années. C’est ce qui l’avait poussé à ouvrir les portes du restaurant Ziaboga, à Socoa, de 2013 à 2016 où les bases de sa cuisine vertueuse s’affichaient en trois mots : local, fermier, biologique. C’est pour ça aussi qu’il a posé ses valises à Haraneko Borda aux côtés de Christian Aguerre, très investi dans le porc Kintoa et la variété ancienne du maïs basque Grand roux. Puis, il y a deux ans, à l’âge de 36 ans, il est reparti en apprentissage. Mais ce coup-ci dans le milieu du maraîchage biologique. Le cuistot a passé un BP Responsable d’exploitation agricole à Hasparren « pour savoir de quoi on parle », dit-il. « Pendant vingt ans, en cuisine, j’étais en contact avec des paysans, mais je n’avais aucune idée de ce que signifiait la production. » Pour le printemps prochain, il s’est lancé un nouveau défi : ouvrir un restaurant associatif du côté d’Hasparren. Sa pâtissière de compagne, Bianca Muller, fait partie de l’aventure. Antoine Chépy décrit : sur les hauteurs du quartier Elizaberri, l’auberge Etxeberria, un établissement plus que centenaire fermé depuis deux ans. « Le propriétaire est un Basque qui vit aux États-Unis », renseigne le restaurateur. « Je lui ai écrit un mail pour lui parler de mon projet : créer un lieu de vie où l’on donne à manger. » En dehors de la partie restaurant classique, le cuisinier proposera à son comptoir, à partir de 18 heures, une soupe et une omelette. « C’est aussi de la restauration rapide », sourit le gastronome. Le but de l’association est de transformer la société en Scop (pour Société coopérative et participative, NDLR) au bout de cinq ans. En termes « d’avantages », Antoine Chépy énumère : des salariés associés majoritaires, des fonds de réserves pour développer l’entreprise, des écarts de salaire nettement moins important que dans le privé, etc. « On tente un nouveau mode de gouvernance. Est-ce que c’est la solution de demain ? Je n’en sais rien, mais on tente l’expérience », s’enthousiasme-t-il.
Repas de fête pour les bénévoles
Pendant toute la durée de Lurrama, Antoine Chépy donnera un coup de main en cuisine à Fabrice Berlingieri Alaman, ex-patron de la société de restauration collective Bertakoa. Dans l’ombre des fourneaux d’Iraty, c’est cet Hiriburutar qui gère les repas des bénévoles du salon. Soit environ 2 500 couverts sur trois jours. Antoine Chépy s’occupera de la partie « accompagnement ». Il proposera une recette à base de légumes différente à chaque repas. « Pour 300 à 350 personnes à chaque service, ça va être rock and roll », sourit le Champenois. « Tu es censé nourrir des gens qui bougent des scènes et bossent toute la journée. Tu ne peux pas te planter. » Mais sa mission ne s’arrête pas là. Le cuisinier concoctera, avec son camarade Ramuntxo Berria, de la cidrerie Itola à Saint-Jean-de-Luz (ex-Olatua), un vrai festin pour les bénévoles qui bosseront sur le salon dimanche midi. Le Luzien s’occupera de l’entrée : une soupe de poisson. Antoine Chépy prendra le relais pour la suite avec, accrochez- vous bien, un veau entier découpé en six grosses pièces qu’il laissera gentiment rôtir dans les grands fours de la Halle. « En accompagnement, on fera des pommes à la boulangère, précise Antoine Chépy. Un vrai rôti du dimanche pour 400 personnes ! » Pour clore le menu, sa compagne, Bianca Muller, apportera une touche sucrée avec un pommier-meringué inspiré du traditionnel fraisier.
(1) Le salon Lurrama du 8 au 10 novembre, de 9 heures à 19 heures, à la Halles d’Iraty de Biarritz. Le programme en détail est à retrouver sur le site www.lurrama.org
Pantxika Delobel
sudouest.fr