La truffe basque fait son nid
Argitxu Beyrie, agricultrice du côté de Saint-Martin-d’Arrossa, plantera d’ici au mois de janvier des noisetiers
sous lesquels elle espère récolter le précieux « diamant noir ». PHOTO BERTRAND LAPÈGUE
D’ici le début de l’année, Argitxu Beyrie aura planté la première truffière du Pays basque sur les hauteurs de Saint-Martin-d’Arrossa
La parcelle se situe quelque part sur les pentes qui entourent Saint-Martin-d’Arrossa. Argitxu Beyrie reste volontairement floue. ; Pas question de dévoiler l’emplacement de sa future truffière. « On sait qu’il y a énormément de vols », justifie- t-elle. L’agricultrice raconte que dans les régions trufficoles, les pillards débarquent sur les plantations en pleine nuit et raflent tout. Mère de deux enfants, elle cultive l’espoir que ces petits-là aussi « grandissent tranquillement ». D’autant que sa démarche revêt un aspect expérimental. Jamais paysan du Pays basque ne s’était aventuré dans cette culture réputée capricieuse et exigeante. Car le « diamant noir », qui se vend entre 800 et 1 000 euros le kilo, est lunatique. Parfois il pointe son nez, parfois pas. Pour tenter de réduire la part du hasard, Argitxu Beyrie s’est formée en Bourgogne et dans le Lot. « L’idée était de comparer ce qu’il se fait dans régions très différentes, car nous allons devoir développer une méthode bien à nous, propre à notre terroir », explique-telle. La native d’Itxassou n’attend plus que les résultats des dernières analyses de sol pour se mettre à l’ouvrage. Les premiers arbres seront mis en terre avant janvier. « Nous commencerons par des noisetiers », précise l’exploitante. Plus tard, elle plantera des chênes et des charmes pour atteindre les 250 pieds.
Les premières dans quatre ans
« Si nous débutons par des noisetiers, c’est parce que les champignons les aiment bien, reprend-elle. Ils donnent plus rapidement que d’autres essences. » « Plus rapidement », façon de parler. Si la floraison se déroule comme prévu, les premières truffes pourront être ramassées dans quatre ans. Sachant que ce n’est qu’au bout d’une décennie que les feuillus produisent à plein régime. « Heureusement qu’à côté de ça, ont est aussi apiculteurs et safraniers », relève avec malice la quadragénaire. Elle n’en n’est pas à son premier défi. L’histoire de sa truffière, est celle d’une reconversion. Argitxu Beyrie et son compagnon ont acheté cette vieille ferme, sur les hauteurs d’Arrosa, en 2016. Ils y produisent du miel et du safran. « Comme nous n’avions pas de terre, nous cherchions des projets qui ne demandent pas trop de surface. » Avant cela, le couple vivait d’archéologie. Il se déplaçait partout en France pour mener des fouilles sur de gros chantiers autoroutiers. « Mais on s’est un peu lassés de cette archéologie-là », reconnaît Argitxu.
20 centimètres sous terre
Aujourd’hui, c’est vers un autre univers sous-terrain qu’elle se tourne. « On essaye de faire pousser quelque chose qu’on ne voit pas. C’est un peu magique… » La technique consiste à préparer les racines avant de les planter. On dit qu’on les « mycorhize ». Un travail effectué par une vingtaine de pépinières assermentées en France. Il faut ensuite travailler la terre mais aussi la taille de l’arbre. Pour la récolte, Argitxu Beyrie pourra compter sur le flair de José Luis, un Lagotto romagnolo de deux ans. Cette drôle de boule de poils bouclés est spécialement dressée pour repérer une truffe à 20 centimètres sous terre. L’agricultrice répète avec lui les mêmes exercices, inlassablement. Elle cache un coton imbibé d’huile truffée sous un tapis, puis dans le jardin… « Cherche ! », lance Argitxu. José Luis arrête de gigoter. Il plante son museau dans l’herbe et pointe sa queue vers le ciel comme une antenne. « Quand il a trouvé, il gratte et il attend sa biscotte », décrit l’agricultrice, pas peu fière de son « associé ». « On dit qu’il “cave” », préciset- elle. Combien pèsera sa première récolte ? C’est la grande inconnue. « Je n’en ai aucune idée, mais en même temps, dans le métier, ça ne se demande pas », sourit-elle. Cependant, un signe peut dire si la cueillette sera fructueuse ou pas. L’apparition d’un cercle brûlé autour du tronc de l’arbre, au cours de la troisième année, annonce une bonne nouvelle. « Pour que les mauvaises herbes ne lui volent pas son eau, la truffe dégage une sorte d’herbicide naturel », s’émerveille là-bas navarraise. « C’est un peu magique, je vous le dis. »
Pantxika Delobel
sudouest.fr